Le carton d'invitation joliment calligraphié dans un rose gold du plus bel effet glisse entre ses doigts fébriles alors que ses prunelles relisent le message pourtant limpide pour la troisième fois. Cammie Cunningham organise une fête de promo. La leur, la diplômée en 2013. La sienne, aussi, et c'est ce qui lui donne l'impression de manquer d'air. Parce qu'Ellie, contrairement à lui, elle n'aurait manqué cette connerie pour rien au monde. Elle n'est plus là et pourtant, dans son absence douloureuse, elle se glisse partout comme un fantôme éternellement condamné à hanter les coeurs. Ca fait un an aujourd'hui. Une minuscule année sans elle qui a pourtant un goût d'éternité. Elisabeth est partout dans les esprits, et nulle part dans la ville qui a continué sa route sans elle. Sa présence éthérée se fait chaque jour plus évanescente : son parfum a disparu il y a bien longtemps, le singulier de son rire de dinde aux grands éclats saccadés s'évapore et la saveur de son nom ne s'immisce plus entre toutes les lèvres. Car il faut avancer, et le monde oublie vite. Pas Leo, éternel contemplatif, doux rêveur, trop fragile pour ce monde. Lui, il fait du surplace, occupé à se débattre avec ses sentiments trop grands, trop lourds, à chasser les regrets et la culpabilité qui lui file des semelles de plomb. Quelle petite conne, cette Camilla, à balancer sa glorieuse fête pile ce jour-là, ce jour où elle sera partout sous les peaux. Sous la sienne, en tout cas, comme une termite occupée à ronger ses fondations pour le voir tomber à genoux. C'est Lily qui le tire de sa contemplation pour venir saisir le carton entre ses ongles rose bonbon. « On peut pas louper ça. On y va. » Son timbre résonne comme un carillon jusque dans son palpitant et Leo, il opine du chef. C'est ça, le super-pouvoir de sa jumelle : le faire danser au creux de sa paume bienveillante. « Cette fille te déteste et ça va être naze, mais d'accord. On y va. » Il cède de sa voix placide, toujours calme comme une mer d'été en croisant les prunelles magnétiques de Lily. « Raison de plus. » glisse-t-elle, son esquisse de petite maligne au bord des lèvres. Lily elle est féroce, elle est forte, vindicative. Elle aime les nanas, elle les aime sans doute autant que lui, de façon organique, absolue, sans compromission mais elle n'apprécie que celles à sa hauteur (aucune ne l'est, en réalité. pas aux yeux de leonard.), pas les esprits étriqués comme Cammie Cunningham, petite peste sans envergure, aride à l'intérieur. Un sourire de connivence vient s'épanouir sur son visage de môme, en réponse à celui de Lily et il dépose un baiser sur son front en prenant congés, Howl sur les talons et son appareil photo autour du cou. « Je préviens Apo. » Et sa silhouette hallucinée s'éclipse de l'imposant manoir pour noyer son coeur lourd dans la contemplation la plus pure. Leo, il va balader son chien mais il cherche surtout à s'occuper l'esprit autrement qu'en imprimant le visage d'Ellie sur ses rétines. Il devait voir Emma, mais a préféré annuler : en pensant à elle, il a impression de la tromper. Même si c'est faux, même s'il l'aime. Même si les deuils impossibles sont coutumiers du marasme des sentiments, des grands tourbillons qui emportent les histoires inachevées et la farandole de et si qui font si mal. Le coeur au bord des lèvres, Leo et sa démarche souple, traînante, errent les rues à la recherche de la beauté qui saute à la gorge. La beauté des détails, la beauté des petits rien, celle qui l'émeut toujours au détour d'une ruelle, d'un rayon de soleil ou d'une flaque d'eau vacillante. Mais y a pas de beauté aujourd'hui, nulle part. Whitewall lui semble bien terne, en nuances de gris et seul la silhouette hirsute d'Howl lui arrache quelques clichés bien mornes, infichus de rendre hommage à la bonté infinie de ce clébard clopinant.
La journée file entre ses doigts avec la langueur poisseuse du pétrole et finalement, il est là, flanqué de Lily et d'Apolline, sur le perron du duplex des Cunningham. Et pourtant, il ne se sent pas là. On a toujours dit de Leonard qu'il était dans la lune, à l'ouest, la tête dans les nuages et le corps entier en apesanteur, comme un ballon de baudruche qui s'envolerait au zénith. On lui a souvent reproché son manque de concentration, un déficit d'attention, une attitude nonchalante qui a le don d'irriter les adultes plus que n'importe quoi. Il a la tête dure, affirmait le patriarche de sa voix bourrue lorsque son fils, absorbé par un livre, des pensées, une photographie, ne réalisait absolument pas qu'il manquait à tous ses devoirs. C'est faux, il est toujours concentré Leonard, mais il est souvent pris par d'autres grimes, épris d'une conscience accrue de ce qui se passe à l'intérieur de son palpitant jamais en veille. Il sent pourtant le poids des bières sans gluten au bout de son bras et puis le parfum capiteux de leur hôtesse avant les grandes embrassades. Leo reste près d'Elles, les seules qui comptent, il ne se mêle pas autant à la foule qu'il le devrait et cherche auprès de Lily un réconfort silencieux. Sa peau qui frôle la sienne, ses opales soyeuses qui croisent les siennes pour une brève accalmie, tout est bon à prendre. Mais Lily, elle a aussi le droit de s'amuser, de profiter alors Leo donne le change. Malgré ses grands mouillés trop expressifs et sa mine brouillée, il s'enfile quelques bières et doucement, sûrement, l'alcool attaque les noeuds dans ses entrailles, dissout partiellement le nuage de pluie au-dessus de son crâne. Lily le sent, parce qu'elle s'éclipse vers un groupe bruyant, non sans un sourire. Et Apo, elle reste près de lui. Leo devrait délier sa langue, mais il a le regard soucieux rivé sur sa Lily, et sur les hommes qui l'entourent. Il déteste leurs regards prédateurs sur ses courbes, il déteste leur façon sournoise de diminuer la distance entre leurs corps, comme pour la prendre au piège. Ses doigts se serrent autour de son verre et il croit bien qu'il tremble à l'intérieur, Leo, face à tous ces crétins. L'angoisse lui chatouille la gorge mais Lily, elle lui décoche un clin d'oeil pour l'assurer que tout va bien. Elle flirte. Elle maîtrise la situation. Il le sait, mais peine à se détacher d'elle, les muscles bandés. Apolline lui parle, mais sa voix pourtant si jolie, vibrante, reconnaissable entre mille, ne l'atteint pas, parasitée par des pensées néfastes.
Leo, il a le spleen des romantiques, l'alcool mélancolique quand la journée fut morne et il a envie que Lily soit près d'eux au lieu de là-bas, avec ces idiots qui ne la prendront jamais au sérieux. Il réalise qu'il a la mâchoire serrée lorsqu'elle devient douloureuse alors mécaniquement, il cherche une clope dans la poche de sa veste en (faux) cuir élimée. « Tu m'accompagnes sur le balcon ? » Leo, il croit bien qu'il implore silencieusement Apolline, avec son regard de chien battu qu'il ne fait jamais exprès d'esquisser. Ils se lèvent de concert et la froideur de ce début de printemps le revigore. Leo s'accoude, assez pour observer la place déserte au-dessous de lui et pour conserver dans son champ de vision l'éclat solaire de la crinière de Lily. Tout en offrant, enfin, toute son attention à sa meilleure amie. Il la détaille longuement, Apolline, comme un religieux cherchant le ciel, assez pour être tiré hors du spectre de la tristesse passagère qui s'accroche à lui. Elle est si jolie, Apolline, et paradoxalement si peu consciente de l'être. Ses insécurités, Leonard les connaît par coeur, il peut les effleurer du bout du doigt pour les chasser tant il les perçoit courir sur sa peau tendre. Enfant, il imaginait pouvoir les entendre et il leur répondait avec sa voix fluette et sa détermination de super-héros. Il leur criait des injures dans un langage fleuri de gamin et Apolline se marrait. Cette mélodie, plus symphonique que toutes les autres, elle avait le don de diffuser en lui une douce chaleur bienveillante, celle de l'empathie. Elle est toujours là, calfeutrée en lui, prête à se rendre au combat dès que le besoin s'en fait sentir. Leo tire doucement sur sa clope sans proposer à Apolline de quoi se flinguer les poumons : il ne se le pardonnerait pas. Et puis entre deux lattes, il s'excuse, avec sa sérénité coutumière, celle qui arrondit les angles et fait croire que tout va toujours bien. Même quand c'est pas le cas. Même quand son idéalisme patenté est terni, comme ce soir. « J'suis désolé de pas être de bonne compagnie, c'est dur aujourd'hui. J'ai le cafard. » C'est un joli euphémisme, avoir le cafard pour exprimer les bleus au coeur et les plaies rouvertes. Leo adresse un pâle sourire canaille à sa meilleure amie, une esquisse tendre qui lui murmure de ne pas s'inquiéter. C'est son rôle, ça. « Ça va aller, t'en fais pas. C'est juste que ça fait un an, aujourd'hui. Et on est là, sa putain de classe, à faire la fête comme des cons. » Il hausse les épaules, Leo, habitué à jeter ses pensées en pâture, sans filtre, comme les mots sur du papier. Mais il est meilleur avec un stylo qu'une clope entre les doigts. Le silence les enveloppe et Leo se laisse bercer par la présence pansement d'Apolline et la silhouette furtive de Lily au loin, qui s'agite. Apolline, elle n'a pas besoin de parler pour l'apaiser. Il lui suffit de le regarder, de plonger l'océan de ses prunelles au sein des siennes pour en chasser l'écume. Ca a toujours fonctionné. Toujours. Leo se rappelle encore de cette fois, au lac. Il avait chuté lourdement de son vélo, par-dessus le guidon, sa lèvre ouverte dégueulait d'hémoglobine et ses genoux écorchés le brûlaient. Lily était figée, comme frappée de douleur elle aussi, avec les larmes aux yeux. Lui, il allait se mettre à pleurer. Il avait sept ans, il souffrait, il voulait juste pleurer et qu'on le console. Et puis Apolline l'avait regardé de ses grands yeux tendres de môme trop douce et le garçonnet avait ravalé ses larmes, bravé la douleur pour remonter en selle. Il était sans doute amoureux d'elle, mordu complet, à l'âge où les mômes ne réfléchissent pas à cela. Il l'aime encore bien sûr, il l'aimera toujours, mais c'est une forme d'amour différente, de l'amitié profonde et sincère. Mais parfois, il se demande si ce n'est que ça. Une question de profond respect, de gratitude et d'habitude ou si l'amitié a une date de péremption, meurt ou se transforme en autre chose. Leonard l'ignore, il sait seulement qu'aucune de ses histoires ne ressemble à ce qu'ils vivent, parce qu'il a toujours connu des relations passionnelles et brèves, destructrices et brûlantes, comme dans les bouquins et les films qu'il adule. C'est ça qu'il cherche, à s'élever et à se consumer. C'est sa vision de la valse des sentiments humains dans ce qu'elle a de divin, assez pour valoir tous les sacrifices. Mais peut-être qu'il existe une autre forme d'amour, plus durable, moins dangereux et plus tendre, que c'est une forme de maturité amoureuse et la seule qui vaille. Il ne le croit pas, Leo. Mais parfois, quand il regarde Apolline, quand il prend le temps de détailler la carte aux trésors de son visage, nimbé de souvenirs, il se dit qu'il a peut-être tort. Que Lily, elle a peut-être tort. Mais ses pensées éphémères ne s'attardent pas, car Leo ne s'est jamais rêvé théoricien du champ des possibles, du spectre amoureux. Lui, il le vit à bout de souffle. « Tu te rappelles de ces nuits d'été, quand on était mômes ? On s'allongeait dans l'herbe, et on s'amusait à compter les étoiles. » s'amuse Leo pour chasser le fil de ses réflexions, pour se raccrocher au tangible, la tête dans les étoiles, toujours, mais les pieds solidement amarrés au sol alors qu'il abandonne le visage de sa meilleure amie pour embrasser l'immensité de la voûte céleste.
Spoiler:
désolée, j'ai été coupée dans mon rp par un appel, du coup c'est le double de ce que ça aurait dû être y a pas d'ordre, faites comme vous voulez/pouvez
Ils étaient là. Le trio légendaire. Au seuil de la porte des Cunnigham, ils attendaient que l’hôte leur ouvre pour commencer les festivités. Lorsque cette fameuse porte ouvrit, Apolline ne put s’empêcher de se demander ce qu’elle fichait ici. Revoir Camilla ne l’enchantait pas vraiment. Non pas qu’elle ne l’aimait pas. Seulement sa présence et sa tête lui rappelaient ses années lycée. Un peu comme toutes les personnes présentes dans la demeure. Mais Apolline posa son regard sur la véritable raison de sa présence ici. Lui. Leo. Il lui avait demandé de les accompagner à cette soirée. Et Apolline ne pouvait rien refuser à son meilleur ami. Quand elle était avec lui, tout semblait plus léger, plus rose. Elle se sentait presque invincible. Alors qu’elle était bien loin de l’être. Non, Apo c’était la fille douce, agréable, gentille à s’en laisser marcher dessus. C’était complètement l’opposé de Lily. La rouquine était tellement solaire. Sa force rayonnait à chaque fois, partout. Lily, c’était le genre de nana complètement féministe, combattive et fière. Et secrètement Apolline se mettait à rêver d’avoir quelques-unes de ses qualités. Et les voilà au plein cœur de la soirée. Apolline, ça ne l’emballait pas plus que ça cette soirée. Mais d’un côté, elle avait besoin de se changer les idées. L’alcool et la musique assourdissante l’aiderait peut-être ? Il fallait tenter. Tandis que Lily était partie déhancher son corps sur la piste, Apolline s’était mise à la recherche des boissons. Forcément, elle remarqua le regard que Leo posait sur sa jumelle. La voir ainsi, entouré de garçon, ça ne lui plaisait pas. Et même si elle n’était pas proche de son frère et qu’elle n’avait pas de jumeau, elle arrivait à le comprendre. Tout simplement parce qu’elle le considérait tel quel ! Et il fallait avouer qu’Apolline était souvent jalouse des relations féminines de Leo. Enfin surtout celle amoureuse. D’ailleurs, elle n’était pas la seule jalouse dans l’histoire. Lily pouvait devenir une véritable furie quand il s’agissait des relations amoureuses de son frère. C’était d’ailleurs pour cela qu’Apolline s’était refusé de tenter quoi que ce soit avec Leo. Elle ne voulait pas briser son amitié avec Lily, cette amitié si précieuse qui pourtant perdait en intensité.
Apolline posa sa main sur l’épaule de son meilleur ami, comme pour le rassurer. Lily était une fille intelligente. Elle savait parfaitement ce qu’elle faisait. Il ne devait pas s’inquiéter. « Je vais nous chercher à boire. » Peu de temps après, Apolline revint avec une bière et un gobelet rempli d’un mélange d’alcool et de diluant. Jagerbomb. C’était son alcool préféré. Et c’était surtout celui qui se buvait comme du petit lait, mais qui rendait quand même la fête plus folle. Ils prirent place sur un des canapés. « Tu as de la chance déjà que Lily ne t’oblige pas à venir la rejoindre sur la piste. » Petite remarque assez rigolote dans le fond. Bon, l’humour n’était pas sa grande tasse de thé. Mais qu’importe, ceci n’eut pas l’effet escompté. Apopo voyait très bien que quelque chose n’allait pas chez Leo. Elle avait plusieurs hypothèses à ce mal être. Mais pour l’instant elle les gardait pour elle. Le silence s’installa donc, prenant une très grande place. Pourtant la communication était bel et bien là. Les regards, les légers sourires. Toute cette communication non verbale prenait une place importante dans le lien qui unissait Apolline à Leo. Entre deux gorgées de son breuvage, le silence se brisa enfin. Leo avait décidé de parler, pour se confier peut-être ? Il lui avait proposé d’aller sur le balcon. Cette demande avait sans doute un but. Déjà, fumer. Mais de s’éloigner du bruit permettait également des confidences.
Il ne faisait pas bien chaud sur ce balcon. Pourtant la présence de Leo réchauffait son cœur, surtout de l’avoir uniquement pour elle, quelques instants. C’était agréable. Une cloque à la main, les coudes sur le rebord, Leo s’ouvrait pour la première fois ce soir. Même si évidemment Apo n’avait pas besoin de ça pour le comprendre. Elle prit place à côté de lui, posant à son tour ses coudes sur le rebord. La vue était magnifique. La place face à eux était déserte, calme comme plongée dans le sommeil. La brunette plongea son regard dans celui de Leo qui semblait si triste. Ce qu’elle voulait Apo, c’était le rebooster en un seul regard. Mais ça l’allait pas être chose facile. Alors elle rajouta en premier un joli sourire, un sourire qui se voulait apaisant et tendre. Elle le laissa s’expliquer sur son manque d’implication dans cette soirée. Elle le comprenait. Et pourtant elle avait totalement oublié ce jour si morbide. Cela faisait un an qu’Eli les avait quittés. Si elle avait fait l’impasse sur la date au moment d’entrer chez Camilla c’était pour une bonne raison. Cette classe ne lui faisait pas penser à Elisabeth au premier abord, mais plutôt à tout ce qu’elle avait vécu au lycée. Et ça, ça la mettait mal. Alors elle comprenait parfaitement l’état d’esprit dans lequel Leo se trouvait puisqu’elle était dans le même, pour des raisons différentes. Apolline préféra ne rien répondre sur le moment. Elle laissa le silence s’installer, préférant la communication non verbale, une fois de plus. Mais cette fois-ci, c’était avec les gestes. Apolline posa sa main sur son bras. Elle avait soigneusement évité de poser sa main sur la sienne afin d’éviter que d’étrange sensation ne monte en elle. « Je pense que ça aurait été la première à venir faire la fête. Elle l’aurait même faite chez elle. » Apolline marqua une pause pour s’hydrater un peu puis leva la tête pour contempler à son tour le ciel étoilé. « Peut-être que de là-haut, elle voudrait qu’on s’amuse un peu. Elle ne voudrait pas que la vie s'arrête après elle. Enfin je ne sais pas. C’est peut-être ce que Camilla s’est dit aussi ? » Apolline enleva sa main du bras, pour la reposer sur le rebord. Limitons les contacts physiques, surtout sous l’effet de l’alcool et sans Lily dans les parages ! La jeune femme ne préférait même pas imaginer ce qui pourrait se passer.
Puis Leo était passé du coq à l’âne. Sans doute ne voulait-il pas que la soirée devienne trop triste, trop sombre. Une soirée c’était fait pour relâcher la pression, pour s’amuser. Pour l’instant, ils faisaient complètement l’inverse, à parler d’Elisabeth. Ainsi, ce changement de sujet était complètement appréciable et appréciée par Apo. « Comment oublier ? On mettait un temps fou à les compter. Il y en a tellement. Je me souviens qu’on se battait pour mettre des noms sur les constellations. A défaut de savoir les vrais noms, on se créait les notre. Maintenant, avec les études de Lily, on pourrait enfin les connaître tous. » Mais ce n’était pas au programme du jour. Apolline avait bien assez de chose qui fallait qu’elle retienne ! L’alcool fut de nouveau en contact avec ses lèvres. Une dernière gorgée et son verre fut vide. Ça se buvait vraiment comme du petit lait ! Mais il fallait faire attention, car ça montait vite. « Je me souviens surtout de nos balades à vélo. On essayait de trouver le point le plus haut de la ville pour pouvoir observer la beauté du paysage. » Et parfois, il n’y avait pas besoin d’aller loin pour observer des choses belles. Un exemple tout simple. Juste à côté d’elle, Apolline avait une belle personne, un Leo tout beau. Son charme inexplicable faisait craquer de nombreuses filles. Mais pour l’instant, son cœur battait pour une autre fille. Emma. C’était difficile de concevoir qu’une autre fille pouvait prendre la place de Lily et Apo. Et pourtant c’est ce qui semblait sur le point de se produire. Secrètement, Apolline espérait que cette relation se termine. Cependant, elle voyait le bonheur dans les yeux de Leo lorsqu’il parlait d’elle, ou lorsqu’il était en sa compagnie. Alors jamais, ô grand jamais Apolline ne se mettrait entre les deux amoureux. Mais, elle évitait tout particulièrement à aborder le sujet. C’était mieux. Par contre, il y avait une multitude de sujet qu’elle abordait avec Leo, comme le sport. « J’ai bientôt une compétition d’équitation. Je me disais que ça serait sympa que mes deux jumeaux préférés viennent m’encourager. C’est le week-end prochain, ça te tente ? » Il ne pouvait pas lui dire non de toute façon. C’était inconcevable.
love.disaster
Spoiler:
Je m'excuse d'avance. Je n'ai pas du tout la même plus que vous
and we are all holding flutes of cheap champagne, with people we don’t know or don’t care for, or we wish we could just leave behind with this year and we are all toasting, glasses raised above crooked halos. – o.l.
Putain, ça devrait être facile. Ça a tout pour. Si aller de l'avant est une épreuve, logiquement, scientifiquement, il devrait y avoir un confort dans la régression. Car sur le chemin, entassés dans la vieille Buick de Lily - sa seule concession au rêve américain-, elle flotte au dessus de leurs têtes, la vieille théorie à la H.G. Wells. Ce n'est pas dans l'espace, qu'ils voyagent, mais bien dans le temps. Retour au lycée, et toute l'ahurie insouciance que cela implique. Dieu sait les merdes qui leur sont tombées à la tronche depuis qu'ils ont quitté les bancs adolescents. Ça devrait être réconfortant, en toute logique, le retour en arrière. Ça ne l'est pas. Et pourtant, elle les a, eux. Leo, Apo, et leurs sourires plastifiés respectifs. Les béquilles sur lesquelles elle a pris l'habitude de reposer ses handicaps, ses caryatides en jeans, trop solides pour que Lily n'ait jamais eu à tenir sur ses propres cannes. Et pourtant (bis), c'est bel et bien elle qui a voulu venir. Elle a haussé les épaules et un sourcil, RSVP du bout d'un sms, montré les canines. Sans une once d'envie, certes, mais dans une situation pareille, ne pas se pointer est une déclaration - et plutôt mourir que de jouer les autruches. Elle a un calendrier mondain à entretenir, Lily; elle lâche son rire cristallin en société comme on agite une torche enflammée pour éloigner les loups. Si elle est là, si elle parle d'elle-même trop fort et trop faux, c'est car, ainsi, elle contrôle ce qui se dit. Elle est au centre de ses propres rumeurs. Et, certes, ce genre d'endroit, ce genre de moment, ces house parties à la con, elles ont le goût des mauvais souvenirs. L'odeur des vieilles plaies. Ça sent le trauma généralisé, cette histoire. Car, naturellement, comme un malheur n'arrive jamais seul, fallait que ça soit la date anniversaire de la mort d'Elizabeth. Toute la durée du trajet, Lily lance des regards paniqués à son frère dans le rétro, mais Leo a les pupilles ailleurs. Nulle part. Il pense. Rumine. Souffre, probablement. Et elle voudrait être là pour lui, bon sang, elle veut être le roc auquel elle a toujours aspiré à ressembler. Froide, solide, sophistiquée, Lily Fitzgerald est une putain de dalle de marbre. Elle voudrait. Sauf qu'elle a ses propres démons à maintenir à distance; et c'est déjà carrément épuisant sans partager ceux de Leo en prime. Elle s'auto-convainct, se dit qu'au final, elle a eu raison en annonçant à son frère que cette petite sauterie se ferait avec eux, ou ne se ferait pas. Au diable la raison. C'est tête baissée qu'on surmontait ses fantômes le plus vite. "Nothing safe is worth the drive" et toute cette merde, pas vrai ? … Sauf que si elle en est à mentalement citer Taylor Swift, c'est la preuve que tout fout le camp. D'un geste sec, Lily éteint la radio. Claque la portière. Les pneus crissent dans le gravier, et ses talons aussi. Elle ignore si son bras frôle continuellement celui de Leo car elle s'agite, ou si son bras frôle continuellement celui de Leo pour empêcher à l'agitation de la submerger. Ça se lit facilement sur leurs trois visages qu'ils préféreraient être n'importe où sauf ici. Peut-être qu'ils sont cons, à s'infliger cela. Cons, ou courageux. Cons et courageux.
A la seconde à laquelle la porte s'ouvre sur eux, Lily se ressaisit. Laisse les bouts de réflexions n'allant nulle part aux romantiques, tandis qu'elle étire la lèvre supérieure et embrasse, sans chaleur aucune, leur hôtesse du soir. That bitch. Si Lily a les inimités nombreuses, au moins, elles ont toutes le mérite d'être méritées. Cannibale Cunningham, la tisseuse de mensonges et faiseuse de réputations. Il avait suffit d'une rumeur courant dans la colonne vertébrale d'Apolline, plus de sept ans auparavant, pour que Lily voue une rancœur crépitante à Cammie. On ne touche pas aux siens. Aussi simple que ça. L'hypocrisie dans l'étreinte est évidente. Lily n'est pas du genre "forget and forgive", loin de là, elle est plutôt de la philosophie de garder ses amis sous la main et ses ennemis sous le nez. Celle de se pointer chez Cammie et lui montrer, sourire et désinvolture à la clé, qu'elle est là, qu'elle ne bouge pas, qu'elle veille. Que Whitehall, c'est sa ville, au cas où les païens l'oublieraient. Alors Lily fait ce qu'elle sait faire de mieux. Elle alimente son propre culte. Rit et riposte, sourit et sirote, se mêle à la foule et la fend. Bascule la tête, agite les cheveux, prend de la place, toute la place. Plus par besoin que par habitude, elle fait en sorte de garder toujours Leo dans son champ de vision. Ou peut-être que, à l'inverse, c'est elle qui prend soin de ne jamais quitter les yeux de son frère - elle n'en est pas sûre, ou elle feint l'ignorer. Si le mauvais vin blanc est supposé lui faire pétiller les yeux, l'échec est net. Il ne parvient qu'à baigner d'un brin d'acidité l'amertume de fond de gorge. Penchée au dessus du vide de son verre, elle a le vertige. Lily ne connaissait Ellie que de loin, qu'à travers Leo, et pourtant, même à ses yeux, il y a quelque chose d'intrinsèquement malsain dans le fait de rapper du Nicki Minaj pompette dans un salon de centre ville. Elle est prise de nausée et, instinctivement, balaie la foule du regard à la recherche de Leo. Pendant une longue seconde d'inquiétude déraisonnée, elle est à nouveau une gamine en voyage scolaire, et elle a perdu son frère dans la foule de Portland. Mais il est là, de dos, sur le balcon, et s'il est à Apolline ce qu'est Roméo à sa Juliette, Lily, elle est tous les autres personnages, tous les conservateurs et les capricieux, et elle n'a le droit ni d'être triste ni d'être en colère, elle le sait, pourtant, quelque part sous le goût du vin blanc, elle est les deux. Elle n'a jamais eu besoin d'être adorée, Lily. Elle s'en fout, d'être aimée. Mais parfois, l'espace d'une seconde, elle voudrait avoir quelqu'un à regarder de la façon dont Leo regarde Emma, depuis quelques mois, ou celle dont il couve Apolline, depuis toujours. Malgré l'alcool, elle a la démarche sûre et déterminée lorsqu'elle rejoint le balcon. "Des hypocrites ou des mélancoliques. Sympa, la promo 2013," souffle-t-elle, un rire cynique dans la voix, obligeant le binôme des rêveurs à tourner la tête vers elle. Le drame, sans doute, c'est qu'elle ignore dans quelle tiroir elle se classe. "Rapellez-moi ce qu'on fout encore dans ce bled ?" S'il est empreint d'une pointe de raillerie, le ton est principalement dégoût. Elle veut partir, là, tout de suite. Prendre la Buick et se barrer au sud jusqu'à ce que les pins s'espacent et que les murmures se taisent.
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le bruit et la fureur. (apoly)
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